Fâché noir contre la richardmartinisation de la vie

Il y a des gens qu’il suffit de nommer pour relancer une conversation qui stagne ou déclencher des réactions épidermiques : Doc Mailloux, Jean Charest, Séraphin...

Bon, OK, peut-être pas Séraphin.

Mon préféré, c’est Richard Martineau. Impossible de le nommer sans que quelqu’un se lève, serre les poings et les agite en criant « Richard Martineau, il m’énaaaaaarve ! »

Avoue que tu viens de le faire. Mais pourquoi, donc ? Qu’est-ce qu’il t’a fait le monsieur pour que tu te mettes dans cet état ? Il t’a coupé dans la file au dépanneur ? Il a mordu tes enfants ? Il a tiré la chasse d’eau des toilettes quand t’étais sous la douche ? Moi, Richard Martineau, il ne m’énerve pas. Et je n’ai rien d’un moine bouddhiste. La situation n’exige même pas de longues heures de méditation pour arriver à cultiver une bienveillance universelle face au monde. Mon truc est vraiment tout simple : Richard Martineau, je ne le lis pas. Tant qu’il ne se met pas à sonner chez moi à huit heures le samedi matin pour me fourguer des copies du « Réveillez-vous », il peut bien dire et faire tout ce qu’il veut. Je ne suis pas au courant.

J’ai mon opinion sur la vie et les choses. Il a la sienne. Nos opinions divergent probablement, et puis quoi ? Ce n’est pas un élu qui vote des lois, il n’a le droit de vie ou de mort sur personne, c’est un pigiste qui fait des chroniques d’opinions. Ce n’est pas Dieu. Quand on a l’impression que quelqu’un est partout, c’est parce qu’on regarde trop souvent dans sa direction. Et c’est ce que je trouve fascinant : les gens ne sont plus pour ou contre l’avortement ou la peine de mort ou Stéphane Gendron. Ils sont pour ou contre l’opinion de Richard Martineau sur l’avortement, l’opinion de Richard Martineau sur la peine de mort ou l’opinion de Richard Martineau sur Stéphane Gendron. Les gens de droite relaient toutes ses chroniques, ravis de voir que quelqu’un ayant la même opinion qu’eux s’exprime publiquement. Ça les conforte dans leur jugement. Les gens de la gauche relaient toutes ses chroniques, ravis de voir que leur réseau social s’affaire aussitôt à le tailler en pièces. Ça les conforte dans leur jugement. Au bout du compte, tout le monde lui donne de la visibilité. La gauche, la droite, les indécis et les mélangés.

Un chroniqueur a besoin de lecteurs, qu’ils soient contents ou fâchés. Mais quand tu richardmartinises ta vie alors que le gars t’horripile, je te trouve bizarre. Tu lis tout ce qu’il écrit pour mieux le détester ? Tu te fais du mal, ami lecteur. Et moi qui, comme tu le sais, ne souhaite que ton bonheur, je te dirai ceci : si t’es tanné que le feu brûle, cesse de souffler sur les braises.

« Hein ? C’est donc ben niaiseux, ce que tu dis là ? Tu te prends pour qui, avec tes petites phrases pseudo philosophiques à deux cennes ? Tu sais quoi ? Je pense que plutôt que de détester Richard Martineau, je vais commencer à te détester, toi ! »

Ne te gêne surtout pas. Pourvu que tu relaies mes chroniques.