Fâché noir contre les petites rénovations

La chronique de Stéphane Dompierre

J'aime croire que toute personne, aussi parfaite soit-elle, a une discipline dans laquelle elle se distingue par sa franche incompétence. Après tout, ce sont nos petits défauts qui nous rendent si attachants, qui font de nous des humains, avec tout ce que ça compte d'imperfections.

Je brille par mon incompétence dans tout un tas de disciplines, vous me direz. (Vous commencez à bien me connaître, à ce que je peux voir.) Mais j'atteins des sommets quand il s'agit de rénover. Les gens qui m'ont vu manier des outils en gardent de mémorables souvenirs qui les font rire encore bien des années plus tard. (Oui, il est possible d'inonder une salle de bain rien qu'en tentant de changer une rondelle de caoutchouc d'un robinet.)

Déjà, je dis «rénovations», hein, mais j'exagère vraiment. Pour quelqu'un qui sait y faire, les menus travaux que j'ose entreprendre ne sont que des broutilles qui ne prendraient pas plus que quelques minutes et un ou deux outils. Du bricolage à la portée du premier venu capable de distinguer une scie d'un marteau.

Prenez le siège de toilette que j'ai dû changer récemment. Ça avait l'air tout simple. Deux vis et deux boulons. C'est une tâche réglée en cinq minutes, non? Pas avec moi. Je suis capable d'y passer une semaine.

Calculez le temps perdu rien qu'en déplacements:

Première visite à la quincaillerie: achat du nouveau siège de toilette.
Deuxième visite: achat de jig-a-loo ou de tout autre lubrifiant pour réussir à faire bouger les vis coincées dans la rouille
Troisième visite: achat d'une scie à métaux. Oui. Pour les vis.
Quatrième visite: achat d'une lame de rechange pour la scie à métaux. Ça coupe du métal, ce machin, mais c'est étonnamment fragile.
Cinquième visite: échange du siège de toilette parce que celui que j'avais choisi sans trop regarder combinait un siège d'adultes et un siège d'enfants. (Je vous assure qu'un homme de quarante ans qui vit seul et sans enfants mais qui possède un siège de «potty training», ça paraît mal.)

Cinq visites, donc.

Ai-je besoin de vous préciser que dans une quincaillerie je suis semblable à l'analphabète dans une librairie? Sous le regard circonspect du préposé qui dépense ses payes en outils ou de la caissière experte qui a ajouté elle-même un deuxième étage à sa maison de campagne, je tente de décrire l'objet dont j'ai besoin avec des mimes, des bredouillements et des phrases incomplètes. «Un machin, tsé, là, pour la toilette, la patente avec une chaîne qui fait que ça tire sur un truc et que l'eau s'en va? La flushe pour flusher?»

- La manette de chasse d'eau.
- Comme vous dites.

Vous ne pouvez pas imaginer le temps que j'ai mis rien que pour changer cette saleté. Et là, j'ai des tablettes à installer. Angoisse et sueurs froides. Soyez gentils: si vous n'avez pas de mes nouvelles la semaine prochaine, appelez une ambulance.