Un couple en deuil dépose une pétition à l’Assemblée nationale pour obtenir un congé de paternité

Trente-neuf semaines de grossesse. Une grossesse sans problème, sans nuage, une grossesse désirée, rêvée, espérée. Un bébé attendu. Marie-Pierre Dubé, 26 ans et son conjoint Kunthy Chhim, avaient hâte de serrer dans leurs bras leur petite Kethsana. Mais trois jours avant la date prévue d’accouchement, Marie-Pierre n’a pas sentie sa fille bouger. Un terrible doute s’est installé.

À l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, le 9 janvier dernier,  la nouvelle est tombée, sans équivoque : il n’y a plus d’activité cardiaque chez le bébé. Le personnel a beau être délicat, gentil et affable, le choc est brutal. Cruel.

Marie-Pierre et son conjoint retournent à la maison, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, le cœur en miettes, la tête pleine de questions. Ils ne savent pas encore pourquoi leur princesse est décédée avant même de naître. Malgré la douleur et la colère, il faut s’organiser : les funérailles à préparer, les affaires de bébé à ranger… Pas question de reprendre le boulot avant plusieurs mois. Le temps de se refaire, de se reconstruire, de recoller les morceaux de son soi éparpillés un peu partout.

Marie-Pierre, représentante au service à la clientèle dans une banque, dispose de son congé de maternité de 18 semaines, tel que prévu par la Loi sur l’assurance parentale. Mais son chum n’a droit à… rien du tout (voir l’article 14 de la loi). « C’est totalement injuste et absurde, confie Marie-Pierre. C’est comme si on ne reconnaissait pas le deuil du père. Je ne peux pas croire qu’au Québec, en 2012, le père ne soit pas considéré plus que ça… » La jeune femme raconte qu’en appelant au Régime québécois d’assurance parentale (RQAP), on lui a expliqué que « le congé de paternité existe pour permettre au père d’être présent auprès de l’enfant; s’il n’y a pas d’enfant, il n’y a pas de congé ». Elle ajoute : « En tout cas, cette définition de la paternité ne correspond pas à nos valeurs ».

La Loi sur les normes du travail prévoit un maximum de cinq jours (sans solde avec possibilité de deux jours payés) en cas de décès d’un bébé in utero (voir l’article 81.1). Cela dépend en fait du jour de la semaine où la tragédie se produit… Un lundi ? Le papa a droit à sa semaine. Un jeudi ? Il n’a droit qu’à une seule journée.

En mai 2010, Caroline Cyr et Mathieu Banville avaient dénoncé la même situation : après avoir perdu leur bébé à neuf mois de grossesse, ils ont écrit une lettre ouverte poignante dans Le Devoir.

Marie-Pierre et Kunthy veulent changer les choses : ils se sont tournés vers leur députée, Carole Poirier, pour déposer une pétition. Celle-ci est en ligne depuis hier et a récolté plus de 810 signatures jusqu’ici. « On souhaite que le RQAP et ses normes soient revus pour inclure le père en cas de deuil périnatal, dit Mme Poirier. Il y a quelque chose d’inéquitable dans la loi actuelle. C’est une discrimination frappante ».


La  cause sera entendue en commission parlementaire au début du mois d’avril.