Quinze ans de boucane

Je me souviens de ma première cigarette. Celle qu’on allume du bout des lèvres, pas trop sûre du comment ni du pourquoi, avec les copains. Nous étions en camping, c’était un soir de fête, sans réfléchir, sans doute pour faire partie du groupe, sans doute pour avoir l’air cool, j’ai allumé.

J’ai éteint quinze ans plus tard.

Quinze ans de fumée, avec quelques intervalles de bouffée d’air pur, quinze ans pour un moment de spontanéité inconscient.

Lorsque j’ai rencontré l’Homme, que j’ai commencé à penser nid, famille, futur, avenir, carrière, santé, je me suis demandée : « Ah oui, au fait, pourquoi je fume déjà ? » Bon, d’accord, ce n’était peut-être pas aussi articulé. Mais je me souviens de l’odeur au bout des doigts qui m’agaçait. Cette odeur vinaigrée qui s’incruste dans les vêtements, les cheveux, jusque dans les bagues. Un lendemain de fête (décidément), dans ce nouveau chez-nous que nous venions fièrement d’acquérir, j’ai décidé que je ferais désormais partie du groupe des non-fumeurs.

J’ai écrasé à 30 ans et je n’y ai jamais repensé.

Je jette un regard indifférent aux fumeurs urbains, relégués aux pas des portes, à des températures polaires. Sauf lorsque j’imagine Fiston et Petite Lionne. Là, je me mords les lèvres. Auront-ils eux aussi un moment de frivolité, une occasion, une opportunité, une minute d’étourderie avec les amis coolissimes ? Une minute pour quinze ans de boucane…

Les statistiques sont encourageantes à cet égard : au cours des cinq dernières années, la consommation de tabac est passée de 22% à 12% chez les jeunes du secondaire, selon une enquête récente de l’Institut de la statistique du Québec. Mais selon les leaders de La Gang allumée, un regroupement de jeunes qui vise une génération sans tabac pour 2025, c’est encore trop. « Un élève sur dix fume encore au secondaire, a dit Victoria Tremblay, l’une des participantes à la conférence de presse organisée hier à Montréal dans le cadre de la Semaine pour un Québec sans tabac. Trente-quatre adolescents s’initient à la cigarette chaque jour et près d’un jeune sur quatre fume lors de sa dernière année de secondaire. »

La jeune fille de 14 ans et ses acolytes souhaitent que la population, fumeurs et non-fumeurs confondus, mette la main à la pâte pour aider les jeunes à écraser. Les dissuader. Les freiner à acheter. Ne plus les exposer. Les informer. Les sensibiliser.

Je ne sais pas si l’objectif d’une génération zéro tabac est réaliste. Mais pour tous les adolescents un brin impressionnés, influençables, écervelés, qui allument un soir de fête, entourés des copains, j’aimerais le croire.

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