Nos enfants et les pédophiles

Imaginez que vous avez un nouveau voisin. Vous habitez en banlieue de Montréal, vous aimez votre quartier. Tout le monde se connaît et se salue. Les enfants jouent ensemble dans la cour ou au parc. Vous vous occupez du courrier de la voisine d’en face quant elle part en vacances. Vous refilez le vélo de votre plus jeune au petit voisin d’à côté. Bref, vous êtes impliquée dans votre quartier et vous entretenez des relations amicales.

Imaginez qu’un nouveau voisin débarque et qu’il a un casier judiciaire: il a été condamné pour pédophilie il y a quelques années. Il est répertorié dans le Registre national des délinquants sexuels. Il s’agit peut-être d’un récidiviste, comme c’est souvent le cas chez les agresseurs sexuels d’enfants: selon une étude menée en 1996 par Sécurité publique Canada, le risque de récidive de ce type de crimes grimpe à 35%.

Mais vous ne savez rien de tout ça. La liste des délinquants sexuels n’est pas publique. Les policiers y ont accès – pas vous.

Sophie Dupont, une mère de Limoilou dont la fillette de 10 ans aurait reçu une proposition sexuelle d’un voisin en 2007, a déposé une pétition à l’Assemblée nationale pour faire changer les choses. Elle aurait voulu que le Registre des délinquants sexuels soit accessible au public, que tout le monde connaisse leurs noms et leurs identités (publication des photos), peut-être même leurs adresses. Plus de 65 000 Québécois étaient d’accord avec elle et ont signé la pétition.

Rien n’a bougé depuis.

Les arguments des autorités pour ne pas dévoiler cette liste? La possibilité que les citoyens veulent se rendre justice eux-mêmes et qu’ils cèdent à la panique. Ouvrirait-on une chasse aux pédophiles? Et si l’un d’eux était réadapté? À l’époque, le gouvernement libéral avait souligné que les policiers étaient bien au fait des gens inscrits sur le registre et connaissaient leurs lieux de résidence. «Pour l’instant, les policiers exercent cette vigilance-là et ça fonctionne», avait déclaré Jacques Dupuis, ministre de la Justice du Québec au quotidien La Presse.

Peut-on faire confiance aux services policiers et judiciaires pour protéger nos enfants? Ont-ils toutes les ressources nécessaires pour bien le faire? Serait-il approprié, comme le suggérait l’Action démocratique du Québec après avoir mené des consultations publiques, de faire un classement des délinquants sexuels et de rendre accessible une partie de la liste? C’est déjà le cas au Manitoba et en Alberta.
Le débat est lancé. 

En attendant, je consulterai la carte qui répertorie la localisation des agresseurs sexuels d’enfants publiée vendredi dans le Journal de Montréal. Parce que si j’ai un nouveau voisin louche dont je dois me méfier, j’aimerais le savoir.