Ne touchez pas à ma garderie

Aimante. Gentille. Avenante. Dynamique. Respectueuse. Honnête. Douce. Attentionnée. La liste des adjectifs pourrait s’allonger. Lorsque je parle de l’éducatrice de Petite Lionne, les éloges ne manquent pas. Je suis choyée. Ma fille de trois ans est heureuse à son service de garde. C’est une évidence. Je serai toujours reconnaissante envers cette éducatrice, mais aussi envers toutes celles qui l’ont précédée. Ces femmes font un travail extraordinaire.

Imaginez-vous toute la patience qui leur faut pour s’occuper et soigner et amuser et aimer et élever et enseigner ? Imaginez-vous le doigté pour communiquer aux parents tout en étant près des enfants ? Imaginez-vous la tolérance ? Être éducatrice en garderie (ou en CPE, ou en milieu familial) n’est pas un métier : c’est une vocation. C’est un art. C’est un don de soi.

Vous comprendrez ma stupéfaction en lisant dans mon journal, ce week-end, qu’elles gagnent « en moyenne 35 000$ par année ». Quoi ? Ça me semble si peu pour ce qu’elles font pour nous, les familles. Si peu pour ce qu’elles accomplissent pour nous, citoyens. Trop peu.

Le gouvernement Marois vient d’annoncer des coupes budgétaires de 56,2 millions pour l’ensemble du réseau de garderies (dont 37,9 millions seulement dans les centres de la petite enfance). Lorsqu’on sait que la moitié des CPE sont en déficit, on comprend que ces compressions auront un impact dans les établissements. Un exemple ? En 2006, en coupant 50 millions dans les garderies, le gouvernement libéral avait forcé l’abolition de 800 postes d’éducatrices et de techniciennes.

Je suis sans mot. Sans mot devant cette attaque. Je sais que les éducatrices seront celles, en bout de ligne, qui vont payer (de leur temps, de leur poche) pour ces coupures. Je trouve cela injuste. Je trouve cela ignoble. J’ai l’impression qu’on sous-estime, que dis-je, qu’on méprise, leur travail. Leur salaire annuel n’est déjà pas à l’échelle de leurs tâches. Il n’est pas représentatif de ce qu’elles donnent à notre société, à nos enfants.

À moins, bien sûr, que nos enfants ne soient pas ce que nous avons de plus important ? Si les enfants représentent notre avenir, alors les éducatrices portent à bout de bras une bonne partie de cet avenir… Pouvons-nous, s’il-vous-plaît, les aider ? Les soutenir ?

Petite Lionne est heureuse à la garderie parce que son éducatrice est heureuse. Elle rayonne. Sa joie de vivre illumine son local et rejaillit sur tous les enfants autour. Je ne veux pas que cela change.
Louis Sénécal, directeur général de l’Association québécoise des CPE, a déclaré que « tous les moyens seront utilisés pour faire pression sur le gouvernement, y compris des journées de fermeture ». J’oublierai les problèmes d’horaires. Les complications familiales. Les pertes monétaires, l’énergie et le temps. J’oublierai tous les tracas que pourraient engendrer une mobilisation du réseau pour manifester dans la rue.

Je me battrai avec mon éducatrice et avec toutes ces femmes qui se donnent corps et âme pour nos enfants. Parce qu’elles le méritent.