Achetez-vous la paix ?

« Achetez la paix. » C’est ce que dit la nouvelle publicité des rôtisseries Saint-Hubert, dont les affiches sont placardées ici et là depuis quelques jours. Les trois mots sont écrits au-dessus d’une fillette à la moue boudeuse. On annonce en fait une nouveauté du côté du prix des repas pour enfants.

Je me suis demandée ce que Saint-Hubert voulait nous dire… Dépenser de l’argent pour acheter la paix auprès de vos petits rois ? Étais-je paranoïaque ou le message était, disons, ambigu ? Dans mon réseau de parents, j’ai posé la question : plusieurs mères et pères m’ont confirmé le malaise. « Je n’aime pas la pub car je n’aime pas les valeurs qu’elle véhicule », m’a confié la mère de trois enfants âgés de 6 ans et moins. Une autre dédramatise : « Je trouve ça bien fait… et plutôt comique ! »

Si le vieil adage « parlez-en en bien, parlez-en en mal, mais parlez-en » est préconisé chez Dentsubos, l’agence de publicité derrière la campagne, et bien, le coup est réussi. Le sujet a fait jaser dans mon entourage. Certains parlaient d’audace. D’autres, d’idée dépassée. Et d’autres encore, de la bouille très mignonne de la petite fille.

Avec son collègue Xavier Blais, Simon Rufiange a pensé, conçu et rédigé la pub. Il en est plutôt fier. « C’est un clin d’œil aux parents, explique le père d’un enfant de 6 ans. Qui n’a pas vécu ce genre de situation où il faut négocier et argumenter avec son enfant ? » Vrai que nous avons tous un jour ou l’autre acheter la paix. Généralement, nous n’en sommes pas fiers… Était-ce de voir une stratégie parentale ponctuellement utilisée sous mon toit étalée au grand jour qui me titillait ainsi ? Amplifiait-elle mon sempiternel sentiment de culpabilité maternelle ?

Simon Rufiange refuse de faire de la psycho-pop parentale. « La pub est faite pour faire sourire, souligne-t-il. On n’est pas en train de dire aux parents d’acheter des choses matérielles pour contenter leurs enfants… Ce qu’on dit, c’est qu’on vit tous ça et que ça fait partie de l’éducation et même de la pédagogie. »

Contrairement à moi, les deux « clientes » de Simon, celles qui travaillent au sein de Saint-Hubert, n’ont pas eu besoin d’être convaincues : elles ont adopté dès qu’elles ont vu le fruit du travail de l’équipe de l’agence. « Elles sont mères de famille et je pense qu’elles se sont reconnues », dit le concepteur.
Je ne vais pas cesser mes fréquentations sporadiques aux rôtisseries, qui, avouons-le, savent plaire aux tout-petits. Je dois toutefois avouer que je suis bien heureuse que mes enfants ne sachent pas lire encore…