Femme de la rue – L'illusion de l'égalité

L'annonce du désormais très attendu court métrage de la jeune cinéaste belge Sofie Peeters a beaucoup fait réfléchir ces derniers jours. L'étudiante en cinéma a décidé, à l'aide d'une caméra cachée, de faire un film avec toutes les insultes et les commentaires dégradants qu'on lui adresse chaque jour quand elle marche dans les rues de son quartier. Le film, titré Femme de la rue, explore la réalité des femmes dans cette capitale européenne où le respect des femmes en prend un coup.

« Je me suis demandé si c'était ma faute, comme le font toutes les filles, raconte Peeters, qui avoue se faire régulièrement traiter de pute, de chienne et de salope quand elle marche dans la rue. Je me demandais si c'était mes vêtements, mon attitude, quelque chose que je faisais. »

Le film promet d’être une œuvre choquante, crue et réaliste au sujet du sexisme dans les rues de son quartier populaire de Bruxelles.



Ce qu'il y a de plus inquiétant, c'est que malgré les apparences, le harcèlement et le manque de respect auprès des femmes font encore partie de notre quotidien. Plusieurs de nos lectrices ont accepté de partager avec vous et moi leurs expériences dans les rues du Québec; vous pourriez être étonnés de leurs témoignages.

« Je me suis fait insulter et toucher contre mon gré par trois chauffeurs de taxi, deux à Montréal et un à Sherbrooke, de trois nationalités différentes. On m'a agrippé les cuisses, traité d'allumeuse, demandé des faveurs sexuelles en guise de paiement. Je prenais le taxi le soir pour me sentir plus en sécurité, mais je ne le fais plus. » - Marie-Ève, 29 ans, Sherbrooke.

« On me crie souvent après dans ma rue. Des jeunes garçons d'à peine seize ans me traitent de salope, m'offrent de venir chez eux, ont même déjà tenté de me toucher les seins. Je ne sais jamais comment réagir, moi qui est habillée de façon très sobre et qui a l'âge d'être leur mère. Dans quel monde vivons nous? » Mireille, 40 ans, Québec.

« Je sors souvent dans les bars et c'est là que je suis le plus souvent victime de harcèlement. Les hommes me touchent les fesses sans mon consentement, dansent beaucoup trop près de moi et me traitent d'allumeuse quand je leur dis que je ne suis pas intéressée. Je ne vois vraiment pas en quoi le fait que je sorte danser en ville signifie automatiquement que je dois accepter de me frotter sur chaque inconnu qui le désire! » Stéphanie, 34 ans, Trois-Rivières.

« Je faisais du magasinage avec mon amie l'autre jour et un groupe de huit gars est venu nous encercler quand on sortait de chez La Senza. Ils ont ouvert nos sacs, sortis nos sous-vêtements neufs et fait des commentaires grossiers sur la taille de nos soutien-gorge. Quand nous sommes allées voir la sécurité, le gardien nous a dit que c'était normal que les adolescents soient un peu idiots avec les filles. Il n'a rien fait et a même rigolé un peu. Les garçons nous ont suivies en riant jusque dans le métro.» Laurie, 15 ans, Pincourt.

Je ne me lancerai pas dans une longue tirade féministe, même si j'avouerai que recueillir ces commentaires m'a donné une envie irrépressible de crier très fort. Je vous laisserai plutôt sur cette citation tirée de Femme de la rue : « La femme a une mauvaise place dans le monde, je pense, et elle doit se battre pour garder ce qu'elle peut avoir comme libertés »